Une nouvelle pensionnaire au Centre de Soins
Depuis novembre dernier, le pôle de compétences IGREC Mer, Coraïbes et Aquarium de la Guadeloupe, a relancé un programme de capture et de culture de poste-larves de poissons. Objectif : repeupler les lagons.
La tortue Anégada a rejoint le large
Soignée au Centre de Soins des Tortues Marines de la Guadeloupe depuis février dernier, la jeune tortue imbriquée Anegada a été relâchée le 4 juin dernier sur la plage de Roseau en présence des élèves de l'école élémentaire de Routhiers.
Depuis longtemps, l’Homme tente de compenser les atteintes à la nature dont il est responsable. C’est ainsi qu’il replante des forêts, qu’il repeuple des rivières, qu’il relâche du gibier ou qu’il réintroduit des espèces disparues. En Guadeloupe IGREC Mer s’intéresse à une nouvelle technique prometteuse appelée la P.C.C..
La P.C.C., acronyme de « Post-larval Capture and Culture » (capture et élevage de postlarves), est une technique développée depuis une dizaine d’années qui consiste à capturer puis à élever des postlarves de poissons. La postlarve est le dernier stade larvaire des poissons avant leur retour et leur colonisation du récif. Les larves de poisson qui naissent dans les lagons migrent vers le large afin d’échapper aux prédateurs. Ils vivent ainsi en pleine mer pendant plusieurs semaines avant leur retour vers la cote.
La technique consiste à prélever une faible proportion de ces postlarves durant leur phase de retour avant que l'énorme majorité d'entre elles (plus de 95%) ne disparaisse par prédation naturelle ou manque d'habitat. Elles constituent une ressource naturelle très abondante, diversifiée et inexploitée. Les postlarves capturées sont ensuite mises en élevage pour atteindre le stade de juvéniles.
Les applications pour les poissons issus de ce type d’élevage sont nombreuses : la production de poissons de chair destinés à l’aquaculture et à la consommation (aucune espèce locale produite en Guadeloupe à ce jour) ; l’utilisation comme un outil de régénération des stocks de poissons sauvages par des relâchés dans des zones lagonaires dégradées ou soumises à une forte pression de pêche ; l’étude scientifique de certains traits de vie des poissons collectés. Les travaux menés permettraient de mieux connaître la dynamique des populations de poissons récifaux.
L’impact de la capture des larves sur l’environnement est considéré comme négligeable pour de nombreuses raisons. Tout d’abord la faible proportion de larves capturées : de l’ordre de la centaine ou du millier par nuit alors que plusieurs millions de larves arrivent sur le récif dans le même temps. La forte mortalité naturelle des larves : la quasi-totalité des larves disparaît en l’espace de quelques jours dans la bouche des prédateurs. La collecte permet donc de sauver des larves vouées à disparaître et évite la capture de géniteurs, technique beaucoup plus préjudiciable aux populations piscicoles. Enfin, la préservation du milieu corallien : les méthodes utilisées n’ont aucun impact sur le récif et la surface couverte par les dispositifs de collecte est négligeable par rapport aux milliers de kilomètres couverts par les récifs. Cette activité s’accorde ainsi aux préoccupations environnementales croissantes des décideurs. C’est pourquoi la P.C.C. est considérée comme une « bonne pratique » par l'International Coral Reef Initiative (ICRI), elle est recommandée par le Grenelle de la Mer (mesure 60b) et est soutenue par le programme « Man and Biosphere » de l'UNESCO.
La P.C.C. est aujourd’hui une technologie nouvelle et peu connue mais dont l’aspect technique est maîtrisé et enrichi régulièrement grâce aux programmes de recherche appliquée sur les postlarves. Facilement applicable en Guadeloupe et s’inscrivant dans une logique de développement durable, elle est considérée par les spécialistes halieutiques comme une activité potentiellement génératrice d’emplois et de revenus vitaux pour les pays tournés vers la mer. De nombreuses iles/état de l’Océan Pacifique ont déjà recours à la P.C.C. pour divers applications environnementales ou économiques (Fidji, Iles Salomon, Samoa, Tonga, Maurice, Madagascar …). La P.C.C. est une activité qui se développe rapidement en France dans les Océans Indien et Pacifique et récemment en Méditerranée. Ainsi, après la Polynésie (CRISP) et la Réunion (POLARUN), 2 projets importants ont été lancés en 2011 et 2012 : GIREL initié par le Port de Marseille Fos et SUBLIMO avec comme chef de file le CNRS et IFREMER.
Un avantage stratégique pour la Guadeloupe. La P.C.C. favorise la diminution des prélèvements de poissons sauvages et représente une solution immédiate à l'appauvrissement de nos milieux. Interdire la pêche de poissons sauvages est impossible car elle concerne de trop nombreux acteurs, il semble donc préférable d'apporter aux populations une alternative plutôt que des interdictions.
Le but de ces expérimentations est d’acquérir les techniques de la P.C.C. et de les adapter à l’environnement caribéen. La P.C.C. n’ayant jamais été expérimentée dans la Caraïbe, la Guadeloupe a l’opportunité de prendre un avantage stratégique et une avance technologique dans la région. Ce procédé, une fois maitrisé, pourra être exporté vers d’autres états des Antilles et d’Amérique Centrale et du Sud. En terme de coopération régionale, la P.C.C. peut être un atout majeur, notamment vers les pays pauvres ayant fortement dégradés leur environnement marin (Haïti).
Ces techniques seront une corde de plus en faveur de la sauvegarde de l’environnement marin, à coté des réserves, des cantonnements de pêche et des pratiques vertueuses dans la gestion de nos déchets, polluants et eaux usées. Rappelons que les mesures d’évitement sont toujours préférables et bien moins onéreuses que les actions de réparations.
Ces expérimentations ont comme nom Zoé.
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